Philippe Mac Léod est décédé le 25 février 2019, à l’âge de 65 ans. La célébration de l’A-DIEU eut lieu le 1er mars. Dans La Vie, Christine Barbey a exprimé son émotion, tandis que dans les pages « Essentiels » Jean-Pierre Denis consacrait deux pages à évoquer cette vie à la fois si humblement ordinaire et si extraordinairement riche en vie spirituelle.

Dans le Vade-Mecum pour les auteurs, en 2011, nous avions publié sa réflexion sur « poésie et liturgie ». Les uns ou les autres, nous avons lu ses articles dans La Vie ou ses livres

Voici l’hommage rendu lors de ses obsèques, le 1er mars

Hommage de Jean-François Duyck – 1ermars 2019

Depuis que Philippe est venu vivre, en mai 2016, à l’ombre de la chapelle de Goz Illiz, sur les rives du Trieux à Pleudaniel – superbe symbiose entre un homme et son lieu de vie – il me semble que nous le connaissons encore trop peu, du fait de sa discrétion et de son humilité. Or il est un très grand poète chrétien de notre époque, un chercheur de Dieu dont le rayonnement grandira.

Il a écrit 16 livres, à la fois de poésie – en réalité de prose poétique – et de spiritualité, caractérisés par une écriture exigeante, une obsession du mot juste et un travail intense sur la langue, assortis d’une abondance d’images, de métaphores, d’analogies relatives à la nature qui l’a tant émerveillé. La nature a prêté ses nuances et son souffle à ses textes. Sa puissance de réflexion naturelle donne à ses écrits une très forte densité. Il a reçu le prix Max-Pol-Fouchet pour La liturgie des saisons.

Son éditeur indique que ses derniers poèmes – publiés au mois de janvier – « ne décrivent pas, mais écrivent ce dont l’auteur vit, ce qui l’a poussé à entamer un chemin d’écriture en rupture avec le monde et ses artifices ».

Chez Philippe, l’expression poétique est inséparable de l’expression spirituelle.

Si le ton dominant de son œuvre est celui de l’intériorité et de la méditation, ces dernières ne constituent néanmoins pas une introspection, mais une expérience spirituelle à partager, à offrir, à transmettre. Intériorité et Témoignage est le titre de son livre de 2014. Et Philippe a fait beaucoup plus qu’écrire : il a animé des sessions, à Lourdes, à l’Abbaye de Saint-Jacut de la Mer, depuis 2012, et dans bien d’autres lieux.

Il fut chroniqueur aux Essentiels de l’hebdomadaire « La vie » depuis 2003, il a animé plusieurs groupes de lecture de la Parole, une longue émission en duo à RCF de St Brieuc, il a réalisé des accompagnements spirituels très féconds….

Il fut un pédagogue et un guide passionnés. La foi et la prière se mesurent aux fruits que nous portons autour de nous, pensait-il. D’ailleurs, n’a t-il pas dit : « Si nous étions de vrais témoins, ceux que nous rencontrons ne se poseraient pas la question de l’existence de Dieu. Si nous témoignions de ce Dieu qui nous habite, sa présence deviendrait alors évidente pour tout le monde » ?

Sur sa vie, dont je dirais qu’elle a été accomplie et pleine de justesse, je serai bref, sauf à faire ressortir le sens profond de sa vocation : celui de communiquer un message de vie, d’espérance et de lumière.

Le sens profond de sa vie est celui d’un marcheur – au sens propre et au sens figuré – qui a fait l’expérience du goût de Dieu et qui a vécu, crescendo, un élan brûlant vers le Christ. Elle a été un cheminement progressif, mais toujours vers plus de hauteur. Paradoxe : il conjugue hauteur avec profondeur.

Quatrième enfant d’une famille qui en comptait six, le décès de sa sœur, lorsqu’il avait 20 ans, l’a durablement choqué. Baptisé dans la foi catholique, ses parents se sont ensuite tournés vers le protestantisme. Il a grandi à Versailles et à Nice et c’est vers l’âge de 25 ans que sa foi est revenue avec force : l’appel de Dieu n’allait plus le lâcher, et il avait l’impérieux besoin de creuser ce mystère de Dieu qui l’habitait.

Il avait une compagne et un métier, à Paris, dans l’édition et la presse, et parallèlement, il s’est lancé sur la route des monastères, notamment dans les abbayes d’En Calcat, de Solesmes, d’Aiguebelle, sources de ses nourritures spirituelles…Ses expériences monacales lui ont permis de s’enraciner quotidiennement dans l’oraison et l’étude de la Parole.

Mais la vie monastique n’était pas son destin. La vie en communauté ne lui ressemblait en réalité pas.

A 40 ans, c’est la rupture, franche et définitive. Tournant le dos au monde littéraire intellectuel parisien, il est parti un peu comme Saint-François d’Assises ; il s’est dépouillé.

C’est le choix des Pyrénées, une solitude assumée, une maturation spirituelle très forte, le temps des longues marches où la contemplation de la nature se fait prière… « Au contact de la nature, ma foi a changé »…

Après 7 années de vie quasi ascétique, il s’approche de Lourdes où il anime des sessions au centre de l’Assomption et travaille quelques mois par an à la librairie des sanctuaires. Il écrit « les signes de Lourdes. Un chemin d’universalité », voyant dans Bernadette Soubirous un modèle de justesse, de vérité et d’humilité. Et bien sûr, Lourdes, c’est la source et la Vierge ne nous demande t’elle pas de revenir à la source, véritable projet de vie de Philippe.

C’est la période d’une grande production littéraire, à partir de 2001

Puis, en mai 2016, c’est la venue en Bretagne, et là d’autres paysages, d’autres rencontres fécondes, d’autres projets, et toujours la recherche de la dimension personnelle, de l’intériorité dans la relation avec Dieu et avec soi-même. Deux ans plus tard, un cancer était diagnostiqué, qui a vaincu, malgré les stratégies lourdes de traitement mises en place.

De Philippe, il restera le souvenir de son charisme, qu’il avait, nous dit sa sœur depuis sa jeunesse ; le souvenir de sa douceur, de sa générosité, de sa bienveillance. De lui, tout émanait de sa profondeur ; une joie profonde était toujours perceptible. Philippe : une présence, avec pudeur.

Et bien sûr, il nous restera son message, gravé dans ses livres.

L’étendue de la pensée spirituelle de Philippe mériterait des présentations très longues. Les thèmes qui font l’ossature de son œuvre et de sa vie sont : l’intériorité, le silence, l’incarnation, le Vivant, la lumière, le sens et la beauté, la présence, la foi qui est pour lui « une adhésion viscérale ». « J’ai mis la prière au centre de ma vie parce que j’ai compris très tôt qu’elle ne nous sépare pas du monde, mais nous introduit en son cœur le plus profond ». Pour rencontrer Dieu il faut dégager avec persévérance la profondeur de son être, au cœur du cœur – c’est là que l’Esprit Saint nous attend – puis le laisser remonter en vue de réduire la distance entre notre être et celui de Dieu. Un peu comme le mouvement du baptême : plongeon dans l’amour du Christ et renaissance en vue d’une vie nouvelle.

Philippe a parlé de sa maladie : une épreuve, non ! Mais une expérience libératrice qui lui offre cette autre grâce de vérifier en chaque instant l’évidence de la Présence et la cohérence de son chemin de foi.

Il envisageait sa mort comme une vie nouvelle, comme une autre fécondité. Il me disait : « Je crois profondément à la miséricorde de Dieu, là est l’essentiel. Ma vie a été heureuse ; je suis heureux car j’ai pu connaître le Christ, j’ai vécu avec Lui… et j’ai essayé de partager le trésor de cette rencontre ». Malgré, comme pour chacun, les difficultés, les épreuves et les échecs.

Et puis Philippe a quitté notre terre. Dans une profonde espérance, il s’est abandonné à Dieu : « Père, que ta volonté soit faite ».  Il a retrouvé le silence, celui dont il disait qu’il nous aide à gagner « l’autre monde ». Souvenons-nous de sa foi : « Dans un chemin de croissance, nous allons vers toujours plus de lumière, vers l’Amour avec un grand A ».